Restitution de l’enquête nationale 2010 – TNS-SOFRES

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Actes du colloque de restitution du 20 mai 2011

Enquête sur la détresse psychologique des personnes sourdes, malentendantes, devenues sourdes et/ou acouphéniques

Comment identifier, accompagner et prévenir ?

Restitution de l’enquête nationale 2010

Laurent WEYNANT,
Directeur du Département Services & Industry, TNS-Sofres,

« Analyse des résultats de l’enquête auprès des publics de personnes sourdes et acouphéniques, des proches et des professionnels »

Nous vous présentons les principaux résultats de l’enquête nationale mise en œuvre et analysée par TNS Sofres (cf. le diaporama joint).

L’étude, précédemment présentée par Jean-Louis Bosc, a été réalisée auprès des publics de personnes sourdes, malentendantes, devenues sourdes et/ou acouphéniques, mais aussi auprès des proches, à partir des réseaux des associations de l’UNISDA et de ses partenaires associatifs, notamment : la FNSF, France Acouphènes et les réseaux des relais locaux bénévoles recrutés pour cette enquête. Un questionnement analogue, sous une forme adaptée, a été diffusé auprès des professionnels du soin et de l’accompagnement médico-social, à partir des réseaux : RAMSES, UASS-LS, GERS, ACFOS ou GESTES, ou d’établissements et organismes : FISAF, FEHAP, Mutualité Française, UNSAF, FOF.

Objet de l’étude

Le but était de réaliser, en France métropolitaine, un premier état des lieux de la détresse psychologique des personnes sourdes, malentendantes, devenues sourdes et/ou acouphéniques. Les objectifs, définis au sein du groupe de travail mis en place par l’Unisda sur le sujet, étaient de :

-  Mesurer le taux de détresse psychologique parmi les personnes sourdes, malentendantes, devenues sourdes et/ou acouphéniques,
• De leur point de vue,
• Du point de vue de leurs parents ou de leurs proches,
• De celui des professionnels de santé et de l’accompagnement médico-social.
-  Définir leur profil (âge, sexe, environnement familial, gravité du handicap …),
-  Mesurer leur niveau de connaissance des types de soins existants, services psychiatriques, services éducatifs et scolaires…,
-  Analyser également la fréquentation ou non de ce type d’établissement,
-  Mesurer la connaissance du niveau d’information disponible,
-  Identifier les attentes pour faire face à ces problèmes.

Méthodologie de l’étude

L’enquête auprès des personnes sourdes, malentendantes et/ou acouphéniques, ou des proches a été réalisée soit par Internet, soit sur papier (pour les personnes n’ayant pas accès à Internet). L’enquête auprès des professionnels, de son côté, a été réalisée par Internet.

Les trois questionnaires, d’une durée d’environ 10 minutes, ont été accessibles en ligne par l’envoi d’un lien URL aux réseaux des associations de l’UNISDA et de ses partenaires, ainsi qu’aux réseaux des professionnels, du 6 mai au 29 juillet 2010. Une traduction de tous les questionnaires en Langue des Signes Française, réalisée par la société WebSourd, a été mise en ligne et accessible par activation d’une vidéo.

Nous avons reçu, au total, 2825 réponses pour les trois publics : les personnes en situation de handicap auditif, les proches et les professionnels.

Résultats majeurs obtenus

Nous présentons, successivement, les résultats de l’enquête auprès des personnes sourdes, malentendantes, devenues sourdes et/ou acouphéniques et de leur proche, puis ceux obtenus auprès des professionnels.

1 – Résultats auprès des personnes sourdes, malentendantes, devenues sourdes et/ou acouphéniques, et de leurs proches

Nous avons recueilli 2 551 réponses des personnes sourdes, malentendantes et/ou acouphéniques, et des proches, dont 468 pour les parents et les proches. Cet échantillon très important fonde les résultats présentés ci-après.

Nous soulignerons, ci-après, les décalages qui peuvent exister sur la perception de cette détresse psychologique entre les personnes en situation de handicap auditif, elles-mêmes, et leurs proches.

1.1 – Caractéristiques des répondants (figure 1 – diapo 7)

L’échantillon des répondants est composé de 82% de personnes sourdes, malentendantes, devenues sourdes et/ou acouphéniques, dont l’âge moyen s’établit à 52 ans. Les proches sont majoritairement des parents qui ont répondu pour leur enfant (13%) et des conjoints ou concubins (5%). L’âge moyen des enfants et des conjoints ou concubins représentés est de 28 ans (38% ont moins de 15 ans).

Le type de surdité représenté au sein de l’échantillon, montre que près de la moitié des répondants ou représentés sont devenus sourds, 26% sont sourds depuis la naissance et 25% souffrent d’acouphènes, sans perte d’audition (cette proportion est de 9% pour les personnes représentés par les proches).

1.2 – Les souffrances psychologiques

a) Les expériences émotives

Une première question portait sur les traumatismes graves survenus dans la vie des personnes interrogées : 60% des répondants affirment avoir vécu cette situation (figure 2 -diapo 9). Lorsqu’on pose la même question auprès des proches, 49% des parents et des conjoints estiment que la personne pour laquelle ils s’expriment a connu un traumatisme. Les premières causes de traumatisme citées, après le perte de l’audition, sont la mort d’un proche, puis les violences (avec une perception plus élevée par les proches dans ce cas).

Une autre question concernait les expériences émotives récentes, rencontrées au cours des 4 dernières semaines (figure 3 – diapo 10).

On observe des situations perçues de manière différente entre les personnes sourdes, malentendantes et/ou acouphéniques et leurs parents ou leurs proches. Les personnes sourdes, malentendantes et/ou acouphéniques déclarent avoir été pour 33% très angoissés, 33% très découragés, rien ne leur redonnait le moral, 28% tristes et abattus, et pour 38% heureux, 37% calmes et détendus. Pour les mêmes expériences émotives, les proches et les parents perçoivent dans une moindre proportion les émotions négatives vécues par leur enfant ou leur proche. Ils sont plus nombreux à considérer leur proches heureux (65%) et calmes et détendus (45). Notons que ces réponses concernent des publics, en moyenne, plus jeunes (figure 1), ce qui peut, en partie, expliquer le décalage entre les proches et les personnes en situation de handicap auditif.

b) La détresse psychologique

A partir des réponses à ces expériences émotives, il est possible de calculer un score MH-5 (standard utilisé en psychiatrie) permettant de déterminer, de manière objective, si la personne est en état de « détresse psychologique ». On peut ainsi définir un pourcentage de personnes qualifiées comme étant en détresse psychologique (figure 4 – diapo 11). Nous constatons que près d’une personne sur deux (48%) souffre de détresse psychologique, selon les personnes en situation de handicap auditif. Alors que 35% des proches considèrent que les personnes sourdes, malentendantes et/ou acouphéniques sont dans cet état. Le décalage observé pour les expériences émotives se vérifie pour la perception de la détresse psychologique que les proches semblent sous-estimer.

L’existence d’une détresse psychologique a des conséquences importantes, car 44% des personnes sourdes, malentendantes et/ou acouphéniques ont pensé à mettre fin à leurs jours (figure 5 – diapo 12). Cette proportion est importante : presque la moitié des personnes interrogées.

Les proches soupçonnent la présence de pensées suicidaires, pour 26% d’entre-eux, notamment chez des publics plus jeunes. Pour les personnes ayant des pensées suicidaires, une personne sur cinq est passée à l’acte, plus de 2 fois en moyenne. Ces tentatives de suicide sont extrêmement élevées. Nous constatons donc la présence d’une détresse psychologique importante dont les conséquences peuvent être dramatiques.

1.3 – Prise en charge de la détresse psychologique (figure 6 – diapo 13)

Concernant la prise en charge de cette détresse psychologique, 60% des répondants déclarent avoir fait appel à un professionnel lorsqu’ils étaient en situation de détresse psychologique. Lorsque les répondants déclarent avoir fait appel à un professionnel, les personnes concernées s’adressent principalement à un médecin généraliste. Quand elles ont vu un médecin généraliste, 72% d’entre-elles sont soignées avec des médicaments. Près de la moitié des personnes est suivie en psychothérapie. Pour 60% des parents et des proches la prise en charge de la détresse psychologique a été réalisée par un psychologue, alors que 40% des personnes elles-mêmes y recourent. Cela tient sans doute au fait que les parents font plus facilement appel à un psychologue pour leur enfant que la personne adulte.

1.4 – Améliorations attendues par les personnes et leurs proches (figure 7 – diapo 14)

Les principales améliorations attendues pour la prise en charge de la détresse psychologique (plusieurs réponses possibles) sont :

- plus d’information mise à disposition des personnes, mais aussi des proches, des professionnels et du grand public (45%) ;
- une meilleure prise en charge qu’elle soit médicale, psychologique ou familiale (44%) ;
- une meilleure formation / sensibilisation des professionnels (25%) et une meilleure adaptation des traitements médicaux à la situation des personnes sourdes et malentendantes (19%).

2 – Résultats auprès des professionnels

Nous avons recueilli 274 réponses des professionnels du soin et de l’accompagnement médico-social.

2.1 – Caractéristiques des répondants

L’échantillon des répondants est composé de deux types de professionnels : 65% sont du secteur de l’accompagnement médico-social et 37% du secteur du soin (figure 8 – diapo 17). On observe, ci-après, des réponses différenciées entre ces deux secteurs.

Pour la capacité de communication de l’ensemble des professionnels : 65% déclarent communiquer avec les personnes sourdes, malentendantes, devenues sourdes et/ou acouphéniques facilement (figure 9 – diapo 18). Donc 35% d’entre eux ne communiquent pas facilement.

Dans le secteur du soin, 48% disent communiquer avec des difficultés, alors que dans le secteur de l’accompagnement le niveau de communication apparaît plus important, 72% des professionnels disent communiquer facilement ou très facilement.

Pour la formation spécifique à la communication (figure 10 – diapo 19), 68% des professionnels du secteur de l’accompagnement disent avoir eu une formation, alors que 53% ont pu en suivre pour le secteur de soin. Si cette compétence est acquise essentiellement dans le cadre d’une formation professionnelle, elle procède pour plus de la moitié des professionnels de l’expérience au contact des personnes suivies.

2.2 – Les souffrances psychologiques (figure 11 – diapo 20)

Pour les répondants professionnels, les souffrances psychiques ou troubles du comportement qui reviennent le plus souvent sont l’angoisse et la nervosité et, dans une moindre mesure, l’irritabilité et la tristesse. On note une appréciation d’ampleur différente entre le secteur de soin et celui de l’accompagnement. Les professionnels du secteur du soin sont plus souvent confrontés à des souffrances psychologiques.

En l’absence d’un outil d’évaluation (du type MH-5), admis et utilisé par l’ensemble des professionnels, il n’était pas possible de déterminer dans cette enquête la proportion de personnes en état de « détresse psychologique » suivies ou accompagnées par les professionnels.

2.3 – Améliorations attendues par les professionnels (figure 12 – diapo 21)

Une meilleure prise en charge de la détresse psychologique des personnes sourdes, malentendantes, devenues sourdes et/ou acouphéniques est attendue à 71%, en particulier pour les professionnels du secteur du soin. Pour 46% des professionnels, notamment du secteur de l’accompagnement, il existe un déficit de communication et d’information auprès des personnes concernées, de leurs proches mais aussi du grand public. Un manque de formation est aussi souligné, essentiellement par les professionnels du soin qui sont les plus confrontés à cette détresse psychologique.

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