Conclusion du colloque “Détresse psychologique”

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Actes du colloque de restitution du 20 mai 2011

Enquête sur la détresse psychologique des personnes sourdes, malentendantes, devenues sourdes et/ou acouphéniques

Comment identifier, accompagner et prévenir ?

CONCLUSION

Interventions de :
- Cédric Lorant, Président de l’UNISDA
- Marie-Anne Montchamp, Secrétaire d’Etat auprès de la Ministre des Solidarités et de la Cohésion Sociale


Cédric LORANT, Président de l’Unisda

Nous avons travaillé sur le thème difficile de la détresse psychologique des personnes sourdes, malentendantes, devenues sourdes et/ou acouphéniques. Et je souhaite préciser que d’autres associations nous ont rejoint dans cette réflexion, que sont notamment la Fédération nationale des sourds de France, mais aussi France acouphène pour la spécificité des acouphéniques. Cet élargissement, au-delà de l’UNISDA, est important puisque nous devons traiter de façon collective le sujet de la détresse psychologique. Le deuxième élément qui a été favorable dans ce contexte : celui de la rencontre des professionnels. On s’est rendu compte que les personnes sourdes étaient un peu démunies. Nous l’avons évoqué toute la journée à travers les interrogations exprimées dans les tables-rondes. Il y a eu l’idée de créer un réseau de professionnels pouvant répondre aux situations de détresse.

L’enquête et sa restitution ont été élaborées sur une durée de près de 3 ans, c’est un travail de labeur, initié en 2008, et animé par Jean-Louis Bosc. Il a formidablement animé ces travaux, constitué un réseau avec les associations et les professionnels qui a abouti à une enquête mise en ligne entre mai et juillet 2010. Elle a permis de récolter plus de 2.800 réponses, aussi bien auprès des personnes sourdes elles-mêmes, mais aussi auprès des proches et des professionnels. Cette ouverture de questionnements a été primordiale pour analyser les éléments clefs qui indiquent que la surdité est un facteur important, mais pas uniquement. Il y a aussi la vie personnelle et sociale que tout un chacun connaît dans une vie.

Le premier constat de cette enquête est celui de la diversité des situations : on voit bien qu’aujourd’hui, en regard de la diversité des populations de personnes sourdes et malentendantes, chaque population est concernée par des situations de détresse plus ou moins fortes. On a vu que les personnes ayant des acouphènes étaient plus sujettes à rencontrer des situations de détresse et les personnes sourdes de naissance, un peu moins. Les jeunes adultes qui, d’un seul coup, se trouvent déconnectés de la vie familiale doivent se battre pour cheminer dans la vie sociale, seuls. De son côté, la population des devenus sourds qui, d’un seul coup, perdent l’audition ont besoin d’être accompagnés pour accepter la surdité et trouver des outils pour pouvoir s’en sortir. Face à ces diversités de situations, des expressions différentes importantes, il y a des besoins différenciés en termes de soins et d’accompagnement.

L’enquête a aussi fait émerger le taux de 48% de personnes ayant répondu qui sont en situation de détresse, chiffre important, mais qui ne nous permet pas d’affirmer pour autant que près de la moitié des personnes sourdes, malentendantes et acouphéniques en France sont en situation de détresse.

L’UNISDA souhaite, à l’appui de cette enquête, présenter plusieurs propositions :

Proposition 1 : améliorer l’information aux spécificités des surdités ;

Proposition 2 : pouvoir répondre aux besoins avec des soins adaptés pour les publics concernés. Ceci rejoint l’annonce du plan handicap auditif, les mesures 11, 34 et 35. Mais on souhaite aussi aller au-delà de ce plan, qui est celui de la formation des personnels de santé, les psychiatres, les psychologues, les psychothérapeutes, avec un module spécifique sur le handicap de la surdité, qui pourrait même être élargi à d’autres formes de handicaps ;

Proposition 3 : promouvoir une information et une sensibilisation des personnels des MDPH, dans le cadre de leur mission de relais.

De plus, le centre national de ressources sur la surdité est en cours de constitution. Il est prévu par le plan handicap auditif, mesure 9, sur laquelle l’UNISDA va forcément appuyer cette demande d’information, d’un espace d’informations neutre, global, sur toutes les questions autour de la surdité : scolarisation, emploi, détresse psychologique.

Proposition 4 : à l’instar du centre national de ressource, y adosser une cellule psychologique qui aurait pour cible les familles qui découvrent la surdité et les personnes qui deviennent sourdes.

Enfin, pour la question des acouphéniques dont France Acouphènes en a été le porte-parole et pour répondre aux besoins des personnes souffrant de troubles de l’audition.

Proposition 5 : ouvrir une structure spécifique pour les acouphéniques et hyperacousiques pour les cas les plus graves.

Proposition 6 : créer des pôles régionaux et d’antennes de consultation départementale.


Madame Marie-Anne MONTCHAMP,
Secrétaire d’Etat auprès de la Ministre des Solidarités et de la Cohésion Sociale

Monsieur le Maire du IXème arrondissement, monsieur Jacques Bravo
Monsieur le Président du CNCPH, cher Patrick Gohet
Monsieur le Président de l’UNISDA, cher Cédric Lorant
Monsieur le Vice-président de l’UNISDA, monsieur Jean-Louis Bosc

Je voudrais en premier lieu vous remercier pour votre invitation à conclure ce colloque, rassemblé à l’occasion de la restitution de l’Enquête sur le mal-être et la détresse psychologique des personnes sourdes, malentendantes, devenues sourdes et/ou acouphéniques.

Le mal-être et la détresse psychologique touchent nombre de nos concitoyens, déficients auditifs ou non. Ce sont des maux que nous avons parfois tendance à qualifier de modernes, parce que l’on pense qu’ils sont dus à notre société, à son fonctionnement. En vérité, je pense que c’est sans doute parce que ce sont les souffrances les plus difficiles à comprendre, mais aussi à prévenir, parce que cela ne dépend souvent que très indirectement de nous, et que nous ne parvenons pas toujours à les identifier.

Chez nos compatriotes déficients auditifs, la détresse est encore plus difficile à appréhender, sans doute cette fois-ci, parce que nous ne connaissons que trop bien l’isolement dans lequel peut plonger le handicap et l’impact que peut avoir l’idée de son irréversibilité sur l’état d’esprit et de santé de la personne handicapée.

Je voudrais pour cela saluer l’initiative de l’UNISDA, de son Président, Monsieur Cédric Lorant et de son Vice-président, Monsieur Jean-Louis Bosc. Je sais, messieurs, l’investissement qui a été le votre dans ce projet : je veux vous remercier et vous féliciter d’avoir résolument voulu mettre en lumière la question que nous abordons aujourd’hui par une approche que je qualifierais de scientifique. Je veux aussi souligner les partenariats exemplaires que vous avez su mettre en œuvre pour faire de cette enquête et de sa restitution une réussite.

Depuis que je m’investis dans la vie politique, j’ai toujours encouragé – et je le fais encore plus depuis quelques mois – la société civile et les associations à s’engager dans ce type de démarches, car je les sais expertes et opérantes. Preuve est faite aujourd’hui encore de ces précieuses qualités : vous connaissiez le besoin, vous avez monté un projet, vous avez mobilisé les acteurs, vous avez réalisé votre enquête, et voici que ses résultats nous éclairent tous sur un sujet que nous soupçonnions sans vraiment savoir. Quels succès !

Sur la forme, je le disais il y a un instant, je suis particulièrement heureuse de la mobilisation réussie des différents acteurs et partenaires, qu’il s’agisse d’associations, de professionnels de santé, de professionnel du médico-social, des pouvoirs publics, du soutien apporté par des partenaires privés, et surtout des personnes sourdes et malentendantes et leurs proches qui ont bien voulu participer à l’enquête. A la lecture du nombre de répondants, 4 fois supérieur au chiffre attendu, je me dis qu’en effet, il y a beaucoup à attendre de vous tous ici réunis !

Sur le fond de l’initiative, je voudrais saluer le caractère particulièrement complet de l’étude réalisée, qui permet – qui « nous » permet, si vous m’autorisez – de mettre au jour les réalités d’un phénomène ignoré ou minimisé par de nombreux acteurs.

Riche, l’enquête l’est par les objectifs qu’elle s’était fixés et qu’elle a atteints : • mesurer l’existence d’une détresse psychologique parmi les personnes concernées par un problème auditif, • définir leur profil, • mesurer leur niveau de connaissance des structures de soin existantes, • identifier les attentes pour faire face aux problèmes évoqués.

Riche, l’enquête l’est aussi par la diversité des publics interrogés, qui permet d’appréhender de la plus juste des manières le phénomène, et, peut-être aussi les particularités des différents profils. Ce travail est indéniablement une première étape vers la conduite de travaux selon une méthodologie encore plus rigoureuse qui permettra d’approfondir notre connaissance.

Riche, l’enquête l’est enfin et surtout par les résultats qu’elle nous apporte. Cette photographie, ce premier état des lieux en France de la détresse psychologique des personnes sourdes et malentendantes, nous renvoie en effet à la question de l’amélioration de l’accès aux soins psychologiques des personnes sourdes.

Il vous a été présenté tout à l’heure les pistes d’actions de l’Etat en matière de prévention de la détresse psychologique, notamment les actions du plan déficients auditifs 2010-2012 qui mobilise mes services, ainsi je crois qu’un bilan rapide des actions qui concourent à cette politique de prévention.

Il n’est donc pas nécessaire que je revienne sur ces mesures. Sachez néanmoins que je partage vos convictions, notamment sur la sensibilisation des différents acteurs, que vous rencontrez quotidiennement, je pense aux maisons départementales des personnes handicapées, bien sûr, mais également aux services de l’Etat, à commencer, à l’échelon régional, par les ARS. J’en suis sûre, l’enquête que vous avez présentée aujourd’hui saura convaincre. Je demande devant vous à mes services d’en faire état dans leurs relations avec les acteurs institutionnels que je viens de mentionner.

Je me dois, à cet instant, d’évoquer la Grande Cause Nationale 2011 qui est la lutte contre la solitude. Je suis en effet toujours frappée, lorsque j’aborde le sujet avec les publics concernés, que le sentiment de solitude, auquel est liée la détresse psychologique, à plus forte raison chez les personnes sourdes et malentendantes, le sentiment de solitude, disais-je, est loin de correspondre à ce que les croyances collectives nous invitent à penser. On pense que se sont les personnes âgées qui souffrent le plus de solitude, et en réalité, ce sont les 18-24 ans et les 35-49 ans. On pense que ce sont les plus démunis, et en réalité, ce sont les professions intermédiaires qui souffrent le plus.

La solitude est une expression de la détresse psychologique et lorsque l’on sait qu’elle touche 30% de la population française, on s’interroge sur le mal-être, qui recouvre des formes très diverses, chez nos compatriotes sourds et malentendants. Une chose est sûre, et votre enquête le montre bien, il existe bel et bien un écart entre les déclarations d’une personne souffrante et les déclarations d’un proche, fondées sur la perception. Ceci n’est en réalité malheureusement guère étonnant si l’on connaît la réalité des souffrances, et les difficultés à l’exprimer.

S’il est essentiel de poursuivre l’information et la sensibilisation des proches, pour aider nos compatriotes sourds et malentendants à sortir de cette détresse, à retrouver le lien social que la détresse psychologique distend, il nous appartient, à nous, les pouvoirs publics, à vous, les responsables associatifs investis notamment dans le fonctionnement local de nos dispositifs médico-sociaux, de poursuivre l’accompagnement et l’accès à l’information.

Pour moi, la détresse psychologique des personnes sourdes, malentendantes, devenues sourdes et/ou acouphéniques représente un véritable enjeu d’inclusion sociale, qui, vous le savez, depuis la loi du 11 février 2005 est mon combat le plus engagé.

En effet, elle pose la double question de la participation de nos compatriotes à la vie de la société d’une part, et d’autre part de l’accessibilité. Ainsi, je suis convaincue que nous devons poursuivre nos efforts dans la mise en œuvre des dispositifs prévus par la loi, bien sûr, mais surtout, nous devons plus que jamais mobiliser l’ensemble des acteurs de la société. Tel est, mesdames et messieurs, notre défi d’aujourd’hui.

Pour des questions qui intéressent la société toute entière, ce sont tous ses acteurs – Etat, collectivités locales, entreprises, syndicats, partis, associations, familles, individus -, oui, tous ses acteurs qui doivent s’impliquer. Cela ne signifie pas que l’Etat, que les pouvoirs publics n’aient plus rien à faire. Non. Ce que l’Etat doit savoir faire aujourd’hui, c’est également mobiliser, inciter, réguler. Je constate que c’est là où les pouvoirs publics ont su intégrer cette posture que nous avons pu faire bouger collectivement les lignes. Je pense en particulier au secteur de l’audiovisuel auquel la loi faisait l’obligation du sous-titrage, vous le savez mieux que personne. Sous l’impulsion du CSA, qui a su orienter intelligemment sa négociation avec les chaînes, grâce à votre implication constante à ses côtés, nous dépassons les objectifs. En 2005, nombreux étaient ceux qui me disaient que c’était impossible.

Je pense aussi aux progrès réalisés en matière d’accessibilité numérique et surtout à l’ouverture prochaine du Centre National Relais des Appels d’Urgence, pour lequel, je le sais, vous avez œuvré avec beaucoup d’intelligence et de détermination.

Je sais pouvoir compter sur l’UNISDA, et sur le secteur associatif en général, qui a été le premier à revendiquer la participation sociale des personnes handicapées et à interpeller les pouvoirs publics pour les associer à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques qui les concernent. Vous êtes aujourd’hui des acteurs clés de la construction de ce partenariat social renouvelé que j’appelle de mes vœux !

Mesdames et messieurs, je voudrais vous remercier une nouvelle fois pour votre accueil et cette enquête, précieux support pour les pouvoirs publics, qui ne pouvait pas mieux « tomber » à trois semaines de la Conférence Nationale du Handicap : sa résonance n’en sera que plus grande. Et grâce à l’enquête, je le sais, un premier pas, un premier cap déterminant est franchi.

Je vous remercie.

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